Le problème du harcèlement moral, c’est que le comportement s’étend sur la durée. Et bien souvent, le ou la salariée hésite à agir de peur d’être licencié. Certes, juridiquement, le licenciement pourrait être annulé. Reste une réalité : la personne perd son emploi.
Pour cette raison, l’action en justice intervient bien souvent une fois le contrat de travail rompu soit par licenciement, soit par prise d’acte. Le ou la salariée demande alors au juge de requalifier la rupture en licenciement en raison de l’impossibilité de poursuivre la relation de travail.
Jouent alors ici pleinement les règles de prescription. En droit du travail, les faits se prescrivent après 5 ans. Par voie de conséquence, même si les faits à l’origine du harcèlement s’étendent sur une durée plus longue, le ou la salariée restera bloquée par la période écoulée et ne pourra invoquer que des faits ou pour reprendre le terme exact des agissements répétés qui se sont produits au cours des cinq dernières année.
En droit pénal, le délai de prescription est de six ans. D’où la question : à partir de quel moment commence-t-on à compter le délai ? C’est à cette question qu’a répondu la Chambre criminelle dans un arrêt du 19 juin 2019.
La situation était la suivante : M. X… a déposé une plainte avec constitution de partie civile devant le doyen des juges d’instruction du tribunal de grande instance de Paris contre personne non dénommée ; il a fait valoir qu’il avait subi, dans le cadre de son travail, de la part de ses supérieurs hiérarchiques, depuis 1992 et jusqu’au 1er juillet 2012, des agissements répétés constitutifs de harcèlement moral qui avaient eu pour objet ou pour effet d’altérer sa santé psychique ou mentale du fait que son travail avait été déprécié par sa hiérarchie qui ne lui avait apporté aucun soutien pendant près de vingt ans, qu’ils avaient eu pour objet ou pour effet de compromettre son avenir professionnel.
Et à la question de la prise en compte de faits qui se sont produits il y a plus de six ans, les juges ont considéré que c’est à tort que la cour d’appel a estimé que les faits antérieurs au 16 octobre 2011 étaient couverts par la prescription de l’action publique, alors que la prescription n’a commencé à courir, pour chaque acte de harcèlement incriminé.
Autrement dit, le délai de prescription court à partir du dernier acte que le ou la salariée reproche à l’employeur. Bref, si les faits se sont déroulés sur une période de 10 ans, dès lors que le dernier fait reproché s’est produit depuis moins de 6 ans, alors le salarié peut les invoquer en matière pénale.
Moralité : le juge pénal est plus à même d’apprécier la situation de la personne dans son ensemble.