Situation classique : un licenciement à la suite duquel un contentieux qui donne lieu à un grand déballage.
Mme I… a été engagée le 18 avril 2005 par la Fondation Institut Curie en qualité de responsable du service social, statut cadre, de la convention collective nationale des centres de lutte contre le cancer du 1er janvier 1999. Elle est licenciée et conteste la comptabilisation de son temps de travail. Objectif : obtenir la nullité de la convention de forfait pour bénéficier d’une comptabilisation du temps de travail à partir de la durée légale de 35 heures.
La Cour de cassation rend le 18 septembre 2019 un arrêt qui, sur le fond, ne présente pas de grande surprise car il reproduit un visa classique, visa qu’elle utilise depuis 2011 :
Vu l’alinéa 11 du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, l’article 151 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne se référant à la Charte sociale européenne et à la Charte communautaire des droits sociaux fondamentaux des travailleurs, l’article L. 3121-45 du code du travail dans sa rédaction alors applicable, interprété à la lumière de l’article 17, §§ 1 et 4, de la directive 93/104/CE du Conseil du 23 novembre 1993, des articles 17, § 1, et 19 de la directive 2003/88/CE du Parlement européen et du Conseil du 4 novembre 2003 et de l’article 31 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, ensemble la convention collective des centres de lutte contre le cancer du 1er janvier 1999 et l’accord d’entreprise du 24 juin 1999 ;
Attendu, d’abord, que le droit à la santé et au repos est au nombre des exigences constitutionnelles ;
Attendu, ensuite, qu’il résulte des articles susvisés des directives de l’Union européenne que les Etats membres ne peuvent déroger aux dispositions relatives à la durée du temps de travail que dans le respect des principes généraux de la protection de la sécurité et de la santé du travailleur ;
Attendu, enfin, que toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaire.
Un petit complément et c’est l’intérêt de l’arrêt : la salariée avait été déboutée. L’arrêt est néanmoins cassé pour la raison suivante :
Qu’en se déterminant ainsi, sans rechercher, comme elle y était invitée, si les dispositions de l’accord collectif étaient propres à assurer la garantie du respect des durées maximales de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires, si des documents de contrôle et de suivi effectif permettaient à l’employeur de remédier en temps utile à une charge de travail éventuellement incompatible avec une durée raisonnable, de nature à garantir que l’amplitude et la charge de travail restent raisonnables et assurent une bonne répartition, dans le temps, du travail de l’intéressée, et si au cours du seul entretien annuel pour l’année 2010 avaient été évoquées l’organisation et la charge de travail de la salariée soumise au forfait en jours ainsi que l’amplitude de ses journées d’activité, la cour d’appel a privé sa décision de base légale
Le message est clair : formellement, la convention collective peut être conforme au droit positif. Reste que cela n’est pas suffisant et qu’il incombe à l’employeur de s’assurer des règles d’ordre public en matière de durée légale. Mais surtout, point que nous avons évoqué de nombreuses fois, il faut également contrôler l’adéquation entre la charge de travail et la répartition du temps de travail.
Bref, le contentieux sur la contestation des conventions de forfait continue de prospérer et continue ainsi de contredire le discours ambiant sur l’importance et la nécessité pour les salariés de se tuer au travail !